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Candaule ? Que dalle !

Billet trézozé sur des pratiques sexuelles inconcevables



Des bustes de l’abbé Pierre retirés de leur socle (disons de leur piédestal[1]), des collèges débaptisés (c’est pas mal ça de débaptiser un curé !), une association charitable remarquable (Emmaüs), dans la tourmente et qui risque de se retrouver sans abri… « Nul n’est un saint pour la bonne du curé » pourrais-je affirmer en pastichant la célèbre phrase de Tolstoï, « nul n’est un grand homme pour son valet de chambre ». Ainsi, pendant des décennies, avec la complicité de certains prélats, voire du Vatican, fut laissé à ces vices (et à sévices) un homme qui, par ailleurs, défendait la veuve et l’orphelin… parfois à leur corps défendant ! Ainsi, Pierre qui se fait mousser peut amasser les vices ! Ce que je viens d’écrire n’est jamais qu’une transposition du jugement porté par le pape François : « l’abbé Pierre était un terrible pécheur ». Si c’est lui qui le dit !

Pourtant le célèbre abbé avait bien fait quelques confidences : il avait eu des relations extra-soutane ! Mais sa hiérarchie était restée mutique, elle qui condamne la moindre faute pourtant confessée par des gamines et des gamins. Attitude qui remet au goût du jour la fable de Jean de la Fontaine : Les animaux malades de la peste. Le lion pouvait avoir mangé des moutons et parfois leur berger, ce n’était que peccadille ! Mais qu’un âne eût osé manger une touffe d’herbe dans un pré qui n’était pas le sien et ce fut haro sur le baudet ! Et pourtant, le catholicisme distingue le péché « mortel » et le péché « véniel ». Pour l’Église, « est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine conscience et de propos délibéré ». Les péchés dudit abbé répondaient bien à cette définition. Il savait ce qu’il infligeait aux autres… mais je vois déjà les excuses invoquées : il était soigné pour des problèmes psychiatriques ! « Le péché véniel, proclame encore ladite confession, affaiblit la charité ; il traduit une affection désordonnée pour des biens créés ; il empêche les progrès de l’âme dans l’exercice des vertus et la pratique du bien moral ». À lire ça, on a presque l’impression que le véniel est plus grave que le mortel !

 

Et décidément, l’actualité est riche en révélations de perversions. L’affaire Pélicot[2], du nom de cette pauvre femme droguée par son mari pour la livrer ensuite à des mecs pour filmer l’ébat (car d’ébats il n’y eut pas puisque seul « l’invité » s’ébattait… c’est là où le bât blesse). Je ne comprendrai jamais comment un homme (mais les connait-on jamais tels qu’ils sont ?) pourrait assouvir ses pulsions sexuelles sur une « masse inerte », aussi bien « roulée » fut-elle. Quant au mari quelle est la partie du cerveau qui lui donnait satisfaction à assister au « spectacle » qui ressort de la nécrophilie puisqu’il avait réduit sa femme à une personne dépourvue de vie ?

J’exprimerai mon dégoût en transformant une comptine bien connue :

Méchant Pélicot, Mesdames,

Méchant saligot, Pélicot

Un rossignol vint à la barre

Et dit trois mots en latin

Que les hommes ne valent rien

Et les garçons encore bien moins

Méchant Pélicot, Mesdames

Méchant saligot

 

J’en discutais avec Nunui, mon compagnon. Comme tout le monde, il accabla ce mari qui recrutait sur les fléaux sociaux de mauvais acteurs de films pornos. À ma stupéfaction, Nunui laissa entendre que ledit mari pourrait être compris, « dans un autre contexte » s’empressa-t-il de préciser, faute de quoi je lui aurais arraché les yeux. Comme il me voyait interloquée, il réalisa qu’il avait été maladroit et s’emberlificota dans une explication pesante, se mélangeant les pinceaux à plusieurs reprises.

 

Il tenta de m’expliquer que, lorsqu’un être du sexe masculin avait pour compagne une superbe créature – je crus comprendre très modestement que j’étais visée[3], non pas que je pense être une superbe créature, mais lui pense que j’en suis une et même pas seulement une, mais LA superbe créature par essence[4] – donc je répète quand un garçon a « sous la main » une créature quasi divine, le privilège est tel que cela peut lui causer des troubles. Surtout si ledit garçon ne ressemble pas à Brad Pitt[5].

 

Je n’interrompis point Nunui, mais mes yeux révolvers défouraillaient tous azimuts. « Qu’as-tu à dire pour ta défense ? » lançaient explicitement mes pupilles.

 

Nunui s’enfonça dans des explications de plus en plus saugrenues. Le mâle privilégié ne devrait-il pas faire savoir à la ronde qu’il passe avec la susdite beauté des moments extraordinaires ? Bon, pas grand-chose à répliquer si ce n’est que ça ne constituait qu’une pièce de l’orgueil légendaire des mecs. Nunui alla plus loin, tandis que moi, je me reculais sur ma chaise.

-       Oui, dit-il, qu’y a-t-il de plus beau que toi lovée contre moi ? Aita e mea nehenehe a’e.

-       C’est tout ? l’interrogeai-je ? furibarde.

 

Il crut s’en sortir en me demandant si je m’étais intéressée à l’histoire semi-légendaire du roi de Lydie du VIIIe siècle avant J-C, nommé Candaule. J’ignorais où se situait ce royaume et, rapidement, sur mon smartphone, j’appris que son berceau avait été en Asie mineure.

-       Dis-moi, Nunui, depuis quand un Tahitien, plus Tahitien que moi[6], s’intéresse à la Lydie bien avant J-C ?

-       C’est là que bien des éléments constitutifs de notre civilisation ont pris naissance.

-       Dis-donc Nunui, je ne t’ai jamais entendu aussi professoral. Qu’as-tu à dire sur la Lydie ?

-       Il y avait un roi qui s’appelait Candaule, comme je te l’ai déjà dit, et qui avait une épouse du nom de Nyssia qu’il estimait la plus belle femme du monde.

-       Et alors ? Il a organisé une conférence de presse pour expliquer ça à son peuple ?

-       Il aurait dû. Mais faute de pouvoir le faire, il ne cessait de vanter les charmes de Nyssia avec force descriptions auprès de l’officier de sa garde. Un soir, il a proposé à ce dernier de se dissimuler dans la chambre nuptiale et de regarder sa femme rejoindre le lit conjugal dans le simple appareil d’une reine (de beauté de surcroît) qui va se donner à son roi.

-       Ne me dit pas que ça a fini en plan à trois.

-       Non, car en fait, Nyssia ayant deviné une présence et l’ayant identifiée, proposa à l’officier d’assassiner son mari pour qu’il prenne sa place.

-       Drôle d’histoire. Où veux-tu en venir ?

-       En fait, cette histoire est à l’origine d’une pratique sexuelle qui consiste pour l’un des partenaires d’un couple à proposer l’autre à une ou plusieurs personnes qui copuleraient sous le regard du premier. Ce dernier (qui était le premier dans ma phrase précédente) en tirerait d’intenses jouissances. Avec une variante, plus platonique si j’ose dire qui consisterait simplement à donner sa ou son partenaire dénudé(e) en spectacle. On appelle ça le candaulisme.

-       Dis donc, ils ne sont pas jaloux ces partenaires-là ?

-       C’est même le contraire. On dit qu’ils ressentent de la compersion[7], une façon de se réjouir du plaisir que l’autre trouve avec quelque étranger.

-       Si je te comprends bien, toi, tu n’es pas jaloux finalement, il me semblait l’avoir pressenti. Tu voudrais donc me livrer aux envies de tes amis pour te pavaner ensuite en racontant que je suis finalement ton quotidien. Et tes potes répèteraient à l’envi que tu es un sacré veinard !

-       Non, pas du tout, mais je comprends ce qui peut motiver les adeptes du candaulisme.

-       Ton Candaule, il n’est pas drôle et si tu crois que je pourrais…

-       Je ne te propose rien, mais si tu savais ce qui me passe parfois par la tête !

-       Je te le dis tout net, Nunui, comme une esquisse de rupture, Candaule, c’est que dalle !

 

Ne croyez pas chères lectrices (et peut-être chers lecteurs qui attendez la place de Nunui) que je vais abandonner mon compagnon. De Nunui, j’ai trop la dalle[8] !


L’intelligence superficielle que Maeva cherche toujours à associer à ses billets intervient à nouveau pour contrôler sa plume.

[1] Maeva n’a pas voulu utiliser le pluriel « piédestaux », qui ferait trop pédant et surtout qui supprimerait le double sens du mot au singulier (un support et/ou la vénération envers l’individu exposé comme statue).

[2] À ne pas confondre avec la célèbre Affaire Pélican, le film de 1993 avec Julia Roberts…

[3] Maeva modeste ? Comme c’est nouveau ! Ce n’est pas encore demain qu’elle chantera : « il me dit que je suis be-elle, pauvre de moi j’y crois ! ».

[4] Et même par les sens, si je comprends bien les relations entre Maeva et Nunui.

[5] Maeva aurait-elle une piètre opinion de Nunui ?

[6] Maeva est très sourcilleuse ses origines et elle insiste toujours sur le fait qu’elle est une calédo-polynésienne.

[7] Et toujours Maeva qui se la pète avec des mots que les dictionnaires ne connaissent pas tous !

[8] Voilà une mise au point de Maeva qui m’arrange bien, car d’habitude elle me charge de répondre aux propositions cochonnes qu’elle reçoit des hommes et quelquefois des femmes.

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