Je ne manque jamais de lire les infos du Fenua sur internet et celles du Caillou qui ne
sont plus consultables que sur le web également. Souvent, je ne lis que les titres et
je laisse tomber les articles qui, par exemple nous annoncent une huitième
résurrection du Here Ai’a (lecture inutile puisque à force de renaître il n’atteindra
jamais l’âge adulte) ou les nouvelles mesures prises à Nouméa pour lutter contre la
délinquance routière (lecture inutile puisque le code de la route local autorise à
rouler à 110 km/h sur des routes pourries). En Polynésie, les sites des quotidiens
sont gratuits, mais ils sont payants en Calédonie. Comme je n’ai pas l’intention de
m’abonner, quand un article m’intéresse vraiment, ma sœur le scanne et me
l’envoie. Ce n’est pas très correct, je le sais, vis-à-vis de la presse mais la plupart du
temps, tout est dans le titre et le reste n'ajoute pas grand-chose. Ce n’est pas, ciel,
comme les journaux dits people dans lesquels il n’y a aucun rapport entre le titre et
le contenu de l’article. Par exemple, tu lis : « l’acteur N… vient de rencontrer
l’amour ». Tu apprends qu’il est allé dans une animalerie où il a acquis un bichon
dont il ne peut plus se passer…
Bref, je me gave de titres mais pas du premier coup. Souvent, avec le site des
Nouvelles Calédoniennes, tu ne lis d’abord que le contenu d’un nombre convenu de
lettres, ce qui donne des trucs cocasses. Par exemple : « le ministre est sou… ». Si tu
cliques, tu découvres : « le ministre est sous pression ». Ou encore : « l’actrice est
enc… » qui laisse entendre qu’on va découvrir son baby bump. En fait, « l’actrice est
encouragée par un grand prix d’interprétation ».
Le 6 février dernier, Les Nouvelles Calédoniennes titraient ainsi : « Le plus important
c’est la pai… ». Il ne faut pas être très versée dans la langue de Molière pour
imaginer que deux mots seulement étaient possibles : la paie ou la paix. Je levai un
instant la tête, histoire de réfléchir au mot qui conviendrait le mieux. Je jouai donc
aux devinettes. Si c’était un dirigeant syndical qui parlait, parions qu’il s’agirait de la
paie, mais sait-on jamais ? Oui, il existe peut-être le leader syndical qui expliquerait
que la paie trop élevée risquerait de mettre l’entreprise à l’arrêt et les salariés au
chômage. En fait, ce serait plutôt un leader syndical patronal qui lancerait ce genre
de mise en garde… Ensuite, s’il s’agissait de la paix, qui avait bien pu affirmer que
c’était là le plus important ? Un conseiller conjugal qui, à l’approche de la Saint
Valentin, voulait préparer de bonnes recettes pour les restaurants de la place ? Un
gardien éponyme (je veux dire un gardien de la paix) qui justifierait ses fonctions ?
Un coiffeur qui ne voudrait pas qu’on coupât les cheveux en quatre, source bien
connue de dissensions ?
Je pensais plutôt à l’Amiral qui prépare la guerre pour qu’elle n’ait pas lieu… Ou au
Haut-Commissaire, le énième chargé par Paris d’empêcher tout dérapage entre les
forces politiques opposées ? Bingo ! C’était bien du représentant de l’État dont il
était question. Qui pourrait dire le contraire que « le plus important c’est la paix » ?
Sauf que parfois le prix à payer pourrait être très élevé et alors pourrait se poser la
question du choix entre la paix et la paie…
Mais ce qui précède est peut-être trop philosophique, alors je vais vous raconter
une plus simple. Connaissez-vous la différence entre les fonctionnaires d’État
à Paris et leurs collègues à Papeete ?
L’indexation ? Que nenni ! ou plutôt ne parlons pas des problèmes qui fâchent.
Alors ?
Alors voilà. À Paris, ils hésitent parfois à manifester en semaine car cela leur
retirerait une journée de paie et, pour garantir la paix des ménages, ils renoncent.
Par contre, une manif organisée le samedi matin et les voilà, nos fonctionnaires
d’État parisiens à être des tas à défiler avec enfants dans les poussettes ou sur les
épaules.
Et à Papeete ? En semaine, ils se mettent en grève, défilent éventuellement, car ils
prennent un jour de congé (l’indexation le permet), mais le samedi matin, ils ne
vont quand même pas sacrifier une demi-journée de repos, éventuellement un
week-end à Moorea et voyez-vous, la manif du samedi matin rassemble moins de
monde qu’en semaine !
Ah ! les particularités locales ! C’est culturel, pa’i !
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